Pisces No Jézabel

Jézabel se demandait souvent pourquoi, elle avait quitté son village. La vie y était dure, c’est certain, mais partir avait été une idée suicidaire. Seule, si jeune, qu’aurait-elle pu faire ? Aujourd’hui, après avoir longuement réfléchi, elle savait pourquoi. Elle espérait un miracle. Ce miracle arriva. Au bord de la mort, un homme la prit en charge, et comprit tout de suite que cette vie n’aurait jamais plus de foyer. S’il la laissait ici, seule, c’était la mort assurée pour elle. Une fois la fièvre tombée, il l’emmena avec elle, même si la plupart du temps, elle demeurait inconsciente. Une fois qu’ils furent arrivés sur le lieu de la terre promis, cet élégant jeune homme rentrant de mission confia l’enfant au centre d’entraînement.

Cet endroit magnifique avait pour nom le Sanctuaire. De grands espaces, un grand nombre de temples grecs, dont on devinait aisément qu’ils contenaient des salles hypostyles. De grands escaliers de marbres. Le panorama était à couper le souffle. Jézabel ne put découvrir tout de suite l’univers dans lequel elle venait de pénétrer. Une fois remise sur pieds, elle reçut quelques jours après son arrivée, la visite d’un charmant jeune homme. Les yeux noirs, une chevelure de jais, un sourire ravageur. Nul doute, il s’agissait là de son sauveur. Il se présenta comme étant le chevalier d’argent du paon. Cela ne disait rien à Jézabel, mais elle retint au moins son prénom : Shiva. Débuta une conversation, dans laquelle Shiva lui racontait dans les moindres détails ce qui s’était passé depuis le jour de leur rencontre. Elle prit donc connaissance de ces souvenirs qui avaient été pour elle, de curieux songes.
Shiva en profita, également, pour lui parler de cet endroit magnifique, qui désormais, deviendrait son foyer. Elle n’en crut pas ses oreilles, et se demanda si on se moquait d’elle. Jézabel comprit soudain que sa vie allait changer radicalement. Très rapidement, elle intégrerait une section, afin de suivre un entraînement de chevalier.

Les premières semaines furent difficiles, et Jézabel peinait à suivre la cadence. Elle tentait régulièrement de s’échapper, bien plus attirée par la beauté des paysages, et des roses sauvages, que par les enchaînements coups de poings, coups de pieds. Un jour, en pleine contemplation, et occupée à humer le doux parfum d’une rose rouge, elle sentit qu’on l’épiait. Un cosmos doux, apaisant, dont on pouvait presque percevoir le parfum de cette fleur si noble qu’est la rose. Se retournant, Jézabel découvrit un chevalier d’or, dont les cheveux volaient au vent, pris dans un tourbillon de pétales. Vision purement bucolique. Le chevalier d’or s’approcha de Jézabel, et entama la discussion. Prostrée, la jeune fille ne sut que faire, et resta interdite, muette, aphone. Aucun son ne parvenait à sortir de sa bouche. Les mots ne voulaient pas passer cette frontière que constituaient les lèvres.

Pour toute réponse, Jézabel ne put que dodeliner de la tête. Le chevalier d’or ferma les yeux, prit une inspiration, et expira. Le regard perdu dans le lointain, il reporta son attention sur la jeune fille.

Jézabel ne comprit pas ce que voulaient dire ces mots, mais elle s’exécuta. Tous deux prirent un chemin de traverse, et arrivèrent près d’un temple immense de style grec, comme tous ceux qu’elle avait observés. Sur le fronton, l’on pouvait clairement voir le signe zodiacal du poisson.

Se demanda Jézabel.

Leur marche les mena derrière cette maison. Après l’avoir traversée, et avoir contemplé les sculptures et peintures dédiées à Aphrodite, déesse de la beauté, Ils sortirent de la maison. A cet endroit, l’on pouvait observer un long chemin, muni d’escaliers en marbre, laissant deviner un chemin taillé à même la falaise. Ce chemin devait mener au temple suivant. La particularité de ce chemin était d’être tapissé de pétales de roses rouges. A cet instant, le guide de Jézabel reprit la parole.

Comme tout ce que cette personne avait dit jusqu’à présent, ces paroles étaient également énigmatiques. Jézabel ne put protester, mais parvint tout de même à lui poser une question qui lui brûlait les lèvres.

Le chevalier d’or, qui avait déjà tourné les talons stoppa sa marche. Prit quelques secondes pour imposer une pause dramatique, puis tourna délicatement la tête vers le côté droit, son meilleur profil, imposant alors à sa magnifique chevelure une légère secousse.

Jézabel esquissa alors un sourire, et elle comprit qu’elle n’était pas encore digne de lui donner son propre nom. Une force particulière pouvait se lire dans le regard de ce chevalier. C’est la première fois que Jézabel voyait, alors, un regard empreint de puissance et de beauté. Elle s’exécuta et entreprit l’entraînement imposé par celui qui allait devenir son maître.

Les années passèrent. L’entraînement d’Aphrodite porta ses fruits, et Jézabel y survécut. Son sang était devenu semblable au poison de ces fameuses roses. Elle était devenu si belle, la perfection incarnée. A croire, que la Terre était trop petite pour porter deux fleurs aussi parfaites, car Aphrodite mourut. Jézabel n’eut pas connaissance des circonstances de sa mort, mais elle espérait en apprendre un peu plus prochainement. Se résignant d’avoir perdu son maître, elle se posait déjà mille et une questions. Qu’allait-elle devenir ? Après avoir été placé successivement sous la protection de Shiva, d’Aphrodite, qui prendrait la suite ? Etait-elle capable, aujourd’hui, de devenir chevalier ?

Quelques jours plus tard, alors qu’elle s’apprêtait à quitter la maison des poissons, Jézabel reçut la visite d’un émissaire du Grand Pope, qui lui ordonnait de se présenter devant lui. Ne voulant pas froisser les hautes instances du Sanctuaire, comme à son habitude, Jézabel s’exécuta. Une fois devant la personne en question, elle ne put qu’admirer la prestance de cet homme qui commandait aux 88 chevaliers du Sanctuaire. Une force incroyable se dégageait de lui, il semblait posséder la force des dieux. Vêtus de son costume d’apparat, portant un casque, et un masque, une longue et épaisse chevelure bleue demeurait apparente. En sa présence, Jézabel était littéralement clouée au sol, et elle se demandait ce qu’il lui voulait.

Jézabel était comme sonnée. Sans autre cérémonie, elle vit le Grand Pope ordonner à l’armure des poissons de se rendre près de Jézabel. La box s’ouvrit, et laissa apparaître cette fameuse armure que portait son maître. Elle était assemblée, afin de former un énorme poisson. En une fraction de seconde, une lumière naquit, et chaque partie de l’armure se détacha pour venir se greffer sur Jézabel. Elle sentit également une formidable puissance l’envahir. Cette armure était comme une seconde peau. Elle avait hérité de l’armure de son maître, disparu tragiquement, et mystérieusement.

Jézabel était étonnée de la froideur de ce curieux personnage. Peut-être était-ce dû à son rang. Désormais, une nouvelle vie s’offrait à elle.